mardi 20 décembre 2011

LA SOUFFRANCE D'UN SOT PRETENTIEUX

Mardi. Sur ma carte et grâce à la boussole, je repère la route qui m’emmènera à pied de Kampot jusque Phnom Penhn, hors voies goudronnées. La nationale cumule 149 kilomètres. Moi, je veux marcher en parallèle et suivre la voie de chemin de fer construite par les français (et en cours de réfection)que traverse des ponts aussi hauts que dangereux. 170 kilomètres environ. La vache !


Sac sur le dos, MP3 dans les oreilles, Kramas autour du coup contre la sueur, je prends la route. On verra bien. J’ai beaucoup marché au Cambodge. Mais jamais sur de telles distances. Pas sur que je tienne le coup. Mais je ferais le max. Je sais que je ne suis pas en super forme (quoi que meilleure qu’à mon arrivée)… mais je ne me doutais pas à quel point.
Départ vers 9H00 environ. Le ciel est couvert. Ca facilite les choses (moins chaud). Je longe les rails qui vont vers l’Ouest, vers Kep, avant de remonter vers le Nord et sa capitale. Avec une moyenne de 5 kilomètres par heure (c’est à peu près ce que j’avais marché au Ratanakiri), je compte marcher près de 30 kilomètres par jour. Avec des haltes régulières. De manière optimiste, j’arriverais à Phnom Penh via sa banlieue Sud (et ses bidonvilles dégueulasses) en 5 jours. Je terminerais les derniers kilomètres en tuk-tuk. Voilà pour la théorie.

La pratique fut tout autre.

J’avale les kilomètres avec pour objectif de rejoindre kep (26 kilomètres) avant la nuit, dormir sur place et reprendre la route à la fraîche. Et ainsi de suite chaque jour. Malgré le ciel couvert, la chaleur s’intensifie au rythme de mes pas. Je perle. Les 10 premiers kilomètres sont plutôt aisés. Les 16 suivants seront mon purgatoire.

Je croise pas mal de gens sur ma route. Un coiffeur de village qui m’offre une chaise à l’ombre pour quelques minutes, un moine dans un temple qui me dit que je suis totalement fou de faire ça, une famille qui m’offre du jus de canne à sucre (dégueu, mais bienvenue), un enfant qui va me suivre durant près de 2 kilomètres sans jamais m’adresser la parole avant de disparaître devant moi et des écoliers heureux de me voir et qui veulent être pris en photo ! La vie qui règne en périphérie de la voir de chemin de fer est aussi belle que tumultueuse. Un type qui marche, sacs à dos, seul, sur des kilomètres est pour eux une aberration. Donc un spectacle.




Le sac commence à me poser des problèmes. Il est de très bonne qualité, pas trop lourd (15 ou 16 kilos au jugé) et pratique. Mais mes épaules me font horriblement souffrir et au fur et à mesure, j’ai la sensation qu’il pèse une tonne. Mes pieds commencent à chauffer. Mon souffle devient de plus en plus court et haletant. Mes mollets tremblent quand je m’arrête. J’ai du sucre sur moi. J’en prends lors de mes courtes haltes. Mais ces dernières sont de plus en plus problématiques car j’ai de plus en plus de mal à repartir à chaque fois. Et ce putain de soleil qui appuie sur mon crâne. Et pas d’ombre à mille lieux alentours.

Je commence à avoir mal au crâne.

Je ne sais plus combien de kilomètres j’ai parcouru, mais je commence à regretter ce plan prétentieux digne d’un sot !

J’arrive près d’une grande route de terre et m’effondre au sol, sans même prendre la peine de retirer mon sac. Je suis ruiné. Physiquement et psychologiquement. Je reste cloué là. Incapable de me lever. Ma tête me fait mal. J’avale un cachet avec une gorgée d’eau chaude (leçon du jour : ne jamais mettre sa bouteille à l’extérieur du sac !). Mon esprit veut repartir, mon corps refuse. Je me sens vraiment désemparé !

Je ne sais pas où je suis. Je demande à un paysan si Kep est encore loin.

Il me répond que j’y suis. Qu’ici, c’est l’entrée de la ville. Et même pas un panneau pour me prévenir !

Cette nouvelle me donne un ultime élan ! Je me lève et décide de marcher jusqu’à ce que je trouve la premier Guest House du coin. Elle se trouve 200 mètres plus loin. Coup de chance. Je dois avoir l’air inquiétant. Les gens accueillent ma venue avec des yeux ronds. Je demande si il reste une chambre de libre. Pas de soucis. Le patron est français en plus.

Me demande d’où je viens. Je lui dit que je viens de faire Kampot-Kep à pied et que je suis anéanti. Il sourit, me dit que je suis malade de marcher sous cette chaleur et me donne ma chambre.

Je m’écroule sur le lit frais avec délice en me disant que je suis un con, un incapable, un branleur prétentieux qui a voulu jouer au grand. Et qui n’a pu aller plus loin que 26 kilomètres. J’ai de la déception et de l’amertume.

Et pas mal de honte.

4 commentaires:

  1. Courage branlito, on est avec toi !!
    Tu aurais du manger le petit près du chemin de fer, ça t'aurait donné des forces !

    RépondreSupprimer
  2. c'est Forrest Gump au Cambodge, j'adore!!!!!

    RépondreSupprimer
  3. Bon titre de futur bouquin! allez, courage mister Goblas!

    RépondreSupprimer
  4. mister goblas est dans la place !!!!
    alors pas trop crevé?
    HAHAHAHA

    tom

    RépondreSupprimer