Dur de faire un bilan de ce premier mois à l’étranger, seul, sans liens, sans attaches, sans but, sans programme et sans aide. J’ai appris des choses, beaucoup de choses. Notamment qu’il y a deux sortes de voyageurs, les touristes et les baroudeurs.
Les premiers se reconnaissent facilement : ils ont un short à carreaux, des Ray Ban et un petit sac en bandoulière pour monsieur. Une petite robe à fleur et une coiffure très apprêtée pour madame. Ils forment, à mes yeux et d’après mon expérience ici, la quintessence du tourisme colonial. Ils sont bien coiffé, bien propre. Ils ont toujours la petite bouteille d'eau à porté de main. Leur démarche est bien droite, leur regard a quelque chose de souverain, ils étalent leur bling bling (ben oui, on est au Cambodge, faut porter des bijoux, marquer sa différence, son appartenance) et ont de la préciosité dans les gestes… En voyage oui, mais avec classe car faut pas déconner quand même ! Toute la condescendance du nanti, fier de ramener des cahiers et des stylos à « ces enfants si beaux et si malheureux ». Les fous ! J’ai en horreur ces voyageurs là. Ils voyagent non pas pour vivre, mais pour raconter leur « périple » au retour. Ces gens-là disent qu’ils ont « fait le Cambodge, fait le Vietnam, etc. ». Comment peut-on « faire » un pays ? J’en ai rencontré beaucoup. Pas un seul ne me restera en mémoire.
Les seconds sont mes pairs, mes amis et mes frères. Ils ont l’air un peu cradingue, ils fontl’effort de parler un petit peu la langue du pays, ils sourient souvent, ils connaissent les coins les plus sauvages et ne mangent que les plats que les Khmers cuisinent dans les rues, ils n’ont pas peur de dormir à la belle étoile, ils ne savent pas où ils iront demain ni comment ils iront, ils se suffisent de presque rien, ils ne prennent jamais de photos, ils sont heureux quand ils se déplacent, ils aiment les gens avec une vraie sincérité et ne donnent jamais de leçons de moral. Ils ne se pressent jamais, ne cherchent pas à voir les sites incontournables. Ils n’ont pas de réel travail, mais savent ce que le mot Vivre signifie. Ils ne disent jamais qu’ils ont « fait » tel ou tel pays, juste qu’ils y sont passés. Qu’ils l’ont vu « un peu » (alors qu’ils y sont depuis 3 mois). J’ai passé le plus clair de mon temps avec eux. Vous avez deviné qu’ils ont ma préférence. J’ai passé quelques-uns des meilleurs moments de ce voyage avec eux. Je pense à Joan qui bourlingue comme un malade, ne sachant jamais où il va aller, passé maître dans l’art de la débrouille, il rêve de vivre sur un bateau. En attendant, il doit se trouver en Birmanie ou au Laos. Je ne sais pas. Je pense aussi à Phillipe, vieux loup de mer dans la plus grande tradition du mythe. Buriné, rigolard et amateur de whisky, il a navigué pendant plus de 20 sur toutes les mers du globe, de cargo en Yacht, de voilier et bateau de pêcheur. Il a vu tous les pays, bu dans tous les ports, avant de se retrouver à Kep, gérant d’une Guest House pour routards. J’aime ces gens car ils n’ont pas besoin de paraître.
Ils sont. C’est tout. J'amène un peu de leur philosophie avec moi. Faites que je la conserve longtemps.
A ceux qui me diront que je suis intolérant envers les premiers, je répondrais que oui, très certainement. Autant qu'ils sont tolérants envers eux-mêmes.
A ceux qui me diront que je suis intolérant envers les premiers, je répondrais que oui, très certainement. Autant qu'ils sont tolérants envers eux-mêmes.