dimanche 25 décembre 2011

J'AIME LES UNS, J'AI EN HORREUR LES AUTRES

Dur de faire un bilan de ce premier mois à l’étranger, seul, sans liens, sans attaches, sans but, sans programme et sans aide. J’ai appris des choses, beaucoup de choses. Notamment qu’il y a deux sortes de voyageurs, les touristes et les baroudeurs.

Les premiers se reconnaissent facilement : ils ont un short à carreaux, des Ray Ban et un petit sac en bandoulière pour monsieur. Une petite robe à fleur et une coiffure très apprêtée pour madame. Ils forment, à mes yeux et d’après mon expérience ici, la quintessence du tourisme colonial. Ils sont bien coiffé, bien propre. Ils ont toujours la petite bouteille d'eau à porté de main. Leur démarche est bien droite, leur regard a quelque chose de souverain, ils étalent leur bling bling (ben oui, on est au Cambodge, faut porter des bijoux, marquer sa différence, son appartenance) et ont de la préciosité dans les gestes… En voyage oui, mais avec classe car faut pas déconner quand même ! Toute la condescendance du nanti, fier de ramener des cahiers et des stylos à « ces enfants si beaux et si malheureux ». Les fous ! J’ai en horreur ces voyageurs là. Ils voyagent non pas pour vivre, mais pour raconter leur « périple » au retour. Ces gens-là disent qu’ils ont « fait le Cambodge, fait le Vietnam, etc. ». Comment peut-on « faire » un pays ? J’en ai rencontré beaucoup. Pas un seul ne me restera en mémoire.

Les seconds sont mes pairs, mes amis et mes frères. Ils ont l’air un peu cradingue, ils fontl’effort de parler un petit peu la langue du pays, ils sourient souvent,  ils connaissent les coins les plus sauvages et ne mangent que les plats que les Khmers cuisinent dans les rues, ils n’ont pas peur de dormir à la belle étoile, ils ne savent pas où ils iront demain ni comment ils iront, ils se suffisent de presque rien, ils ne prennent jamais de photos,  ils sont heureux quand ils se déplacent,  ils aiment les gens avec une vraie sincérité et ne donnent jamais de leçons de moral. Ils ne se pressent jamais, ne cherchent pas à voir les sites incontournables.  Ils n’ont pas de réel travail, mais savent ce que le mot Vivre signifie. Ils ne disent jamais qu’ils ont « fait » tel ou tel pays, juste qu’ils y sont passés. Qu’ils l’ont vu « un peu » (alors qu’ils y sont depuis 3 mois).  J’ai passé le plus clair de mon temps avec eux. Vous avez deviné qu’ils ont ma préférence. J’ai passé quelques-uns des meilleurs moments de ce voyage avec eux. Je pense à Joan qui bourlingue comme un malade, ne sachant jamais où il va aller, passé maître dans l’art de la débrouille, il rêve de vivre sur un bateau. En attendant, il doit se trouver en Birmanie ou au Laos. Je ne sais pas. Je pense aussi à Phillipe, vieux loup de mer dans la plus grande tradition du mythe. Buriné, rigolard et amateur de whisky, il a navigué pendant plus de 20 sur toutes les mers du globe, de cargo en Yacht, de voilier et bateau de pêcheur. Il a vu tous les pays, bu dans tous les ports, avant de se retrouver à Kep, gérant d’une Guest House pour routards. J’aime ces gens car ils n’ont pas besoin de paraître.
Ils sont. C’est tout. J'amène un peu de leur philosophie avec moi. Faites que je la conserve longtemps.
A ceux qui me diront que je suis intolérant envers les premiers, je répondrais que oui, très certainement. Autant qu'ils sont tolérants envers eux-mêmes.

BIENTOT LA FIN

Dimanche 25. En France c’est Noël. Ici, c’est un jour comme un autre. Je suis revenu à Phnom Penh car je prends l’avion demain pour revenir en France. Je suis revenu dormir à la Long Lin Guest House, que je connais bien maintenant.

C’est bizarre de se dire que c’est déjà la fin. Pour être franc, je suis content de rentrer et de revoir ma famille, mes amours (et mes emmerdes). Si bémol il devait y avoir, ca serait l’avion. C’est chiant l’avion. C’est trop long. Pour le retour, je fais Phnom Penh – Ventiane (Laos) – Hanoï – Paris. Plus de 13h00 de vol. L’horreur quoi !

Il est 18h08. Il fait noir. Les rues sont gorgées de motos et de passants. Le bruit est assourdissant (comme toujours à Phnom Penh…), mais il va me manquer.

Je suis parti avec un but. Je n’ai fait que le frôler.

Je suis parte avec des questions. Je n’ai eu que peu de réponses et encore plus de questions.

Je suis parti avec des certitudes. Je reviens avec des doutes.

Ils m’accompagneront au prochain voyage. Celui dont je rêve déjà.

Ca sera Bornéo ou la Mongolie.

vendredi 23 décembre 2011

GOBLAS FEIGNASSE

Je n’ai pas bougé de Kep depuis que j’y suis arrivé. C’est une toute petite ville assez calme et tranquille. C’est ici que j’ai fini la semaine. Près des plages. Qui ne sont que des plages entendons-nous bien. Elles sont le domaine privilégié des Khmers surtout, qui viennent en famille se baigner et pique-niquer.

Les plages sont jolies et pas le moins du monde gorgées de touristes. Kep est surtout célèbre pour son marché aux Crabes, et le plat qui va avec : le Crabe au Poivre de Kampot.




La vie s’écoule doucement ici. Entre les invasions de fourmis rouges (je me suis fait mordre, croyez-moi, on le sent passer !!) dont les Khmer mangent les œufs, les enfants qui viennent voir qui vous êtes et qui adorent se voir en photos, les flics qui jouent au Saï avec vous (et rigolent de votre incompétence, ils ont raison), la lecture sur les plages et les soirées Whisky avec Philippe, le taulier de la Guest House… je me dis que c’est bientôt la fin. Et que revenir en France, ça va être bien aussi !






VENDS DEMEURE A RAFRAICHIR SUR KEP

Beaucoup de vielles maisons délabrées, datant du protectorat français, sont visibles à Kep. Conçues par les élèves de Le Corbusier, certaines sont à vendre (150 000 euros, terrains compris). Juste une couche de peinture et on en parle plus (une sacré dose tout de même hein !).



A noter quand même que, en qualité d’étranger, vous n’avez pas le droit de les acheter ! En effet, il est impossible, pour un expat de devenir propriétaire « au sol » d’une maison. Sauf si vous vous mariez avec une Khmer (bonjour la galère) ou si vous faite appel à un prête-nom.

MON AMI LIM


Outre mes parties de Saï, je passe mes journées avec Lim, un chauffeur de Tuk-Tuk avec qui j’ai sympathisé. Il m’emmène partout, me fait découvrir des coins paumés et des bistrot bien glauques, perdus dans la forêt !

Un type vraiment charmant, plein d’humour, qui picte pas une ligne d’anglais ! Mais on se comprend avec des gestes. Toujours souriant, toujours OK pour tout !

On a déjeuner près des singes ! Les bestiaux sont assez maousses, et plutôt agressif quand ils ont faim. 
J'en menais pas large à vrai dire. Lim leur a donné un fruit et on était quitte avec lui !




J'AURAI DU FAIRE DU FOOT

Cela fait deux jours de suite que je joue, tous les après-midi, au Saï, le jeu préféré des Khmer. Ca consiste à s’envoyer une sorte de volant (comme au badminton) avec les pieds, les mains ou la tête ! J’adore ce jeu. J’ai fait une partie toute l’après midi avec des chauffeurs de Tuk-Tuk et des flics ! C’est assez physique !

Mais comme j’étais nul au foot, je suis nul au Saï. CQFD. Mais c’est franchement sympa et il est de rigueur qu’un joueur vienne se greffer à la partie régulièrement. D’une partie à 3, on finit à 7 ou 8 joueurs !

Même les enfants y jouent. Quand je pense que chez nous, si ils n’ont pas jeux vidéo ou d’argent, ils se font chier !!!!

mercredi 21 décembre 2011

POURQUOI JE NE VERRAI PAS ANGKOR

Attention, texte avec des morceaux chiants dedans !

Voir Angkor, c’est quasiment une institution. Un passage obligé. Un périple effectué chaque année avec une religiosité (si l’on me pardonne ce terme) inaltérable par des milliers de voyageurs.
Pour beaucoup, il est impensable d’aller au Cambodge sans voir la splendeur des temples d’Angkor.

Pas pour moi. Je me fous d’Angkor. Littéralement. Je ne suis pas ici pour ça.
Mon voyage n’a jamais eu pour but de visiter les  « incontournables » trésors Khmers. Aussi spirituels soient-ils. Je ne voyage pas pour visiter ce qui m’entoure, mais pour visiter ce qui est en moi. Je voyage pour fléchir sur moi, pas pour me redresser vers les autres.

Je voyage pour être. Pour tenter de ressentir ce que Romain Rolland appelait le « sentiment océanique ».  Ou encore l’expérience du « Sublime » relatée par bon nombre de Philosophes (je préfère la version de Schopenhauer). Cette sensation d’être dans un tout. De plonger dans une réalité qui dépasse l’entendement et qui, de fait, rend les mécanismes de l’imagination totalement absconds. Soyons franc : je ne l’ai pas encore trouvé. Mais je l’ai frôlé. Je l’ai senti. C’était à ma portée. C’est un début.
Je voyage parce que je ne voulais plus me résigner à vivre entre mes quatre murs et me contenter de rêver en consommant des images. Je voyage parce que je voulais m’aligner sur mes rêves de gamins – nos rêveries de mômes ont cette noblesse que n’auront jamais celles des adultes.

Depuis presqu’un mois, je voyage au jour le jour. Ne sachant jamais où je dormirais le lendemain, ni dans quelle province j’irai ni comment y parvenir. Pas de préparation, pas d’assurance, pas de filet de sécurité. Je vais au gré du vent, un coup, au Nord, un coup au Sud. Je voyage sans cette facilité qui rend l’existence tiède : circuit organisé, hôtel prépayé, repas prévu, itinéraire arrangé, accompagnement professionnel… Ce genre de trip n’est pas pour moi car il incite à rester en surface, à passer à côté des choses. Il incite au voyage paresseux et rassurant. Périple inodore et incolore.
Je suis parti comme on fuit (L’éloge de la Fuite d’Henri Laborit est un de mes livres de chevet), non pas pour me trouver (je sais qui je suis) mais pour me réinventer. Construire une autre existence. Un autre Goblas. L’ancien a suffisamment vécu. L’amorce a déjà été faite, il y a plusieurs mois (je me comprends). Le voyage n’en est que la suite logique. La solitude en est la condition inaltérable : on ne peut se changer que seul, loin du regard et du jugement des autres.

Je voyage aussi pour revenir. Un peu plus vieux de quelques jours. Peut-être pas plus « sage », mais peut-être plus conscient. Peut-être plus attentif au monde et aux autres (et il faut l’être, attentif, lorsqu’on bourlingue, sous peine de se retrouver dans des misères inextricables). J’ai sans cesse avec moi cette phrase extraite du Manuel d’Epictète (un philosophe d’une étonnante sècheresse) : « S’il y a un art de bien parler, il y a aussi un art de bien entendre ». J’y travaille.

Je voyage aussi parce que je ne veux pas prendre au sérieux la réalité factuelle. Du moins, les faits tels qu’on les entend de façon paradigmatique : les factures, les impôts, la position sociale, la compte en banque, l’opinion politique, le vote, la mode et tous les colifichets sociaux imaginables. Il en est de même pour le travail. Didier H en connaît quelque chose pour avoir supporté mes opinions à ce sujet lors d’une soirée que je garde en mémoire. Que l’on ne s’y trompe pas. J’aime le mot Travail. J’ai en horreur le mot Emploi.

Je voyage parce que, comme le souligne Antoine Marcel (lisez le « Traité de la Cabane Solitaire » de toute urgence !!), le terme « Le recours aux forêts » (inventé par Ernst Jünger et remis au goût du jour par Onfray) me fait un bien immédiat. Certain(e)s savent que j’ai cette phrase sur un bracelet en cuir qui ne me quitte jamais.
Je ne verrai donc pas Angkor. Ni Sihanoukville. Ni Siem Reap. Ni Battambang.

Je n’en ai pas besoin.